diumenge, 14 d’abril del 2013

Palinuro en el Nouvel Observateur.

Cuelgo aquí la entrevista que me ha hecho y publica hoy el Nouvel Observateur. Quedo muy agradecido a la publicación francesa por la oportunidad de exponer mis ideas sobre asuntos que me preocupan.



Raymond Cotarelo García (né à Madrid en 1943), est un professeur de Science politique et d'administration publique à la Faculté des Sciences Politiques et Sociologie de l'Université Nationale d'Education à distance, dont il a été vice doyen entre 1984 et 1988. Il est l'auteur de 145 articles dans des revues spécialisées espagnoles et étrangères et a traduit en Espagnol les oeuvres de divers auteurs classiques et contemporains, dont Jürgen Habermas.

Collaborateur habituel des médias, dans lesquels il a publié plus d'un millier d'articles journalistiques, il est actuellement membre du Conseil Éditorial du journal Public. De la même manière, il anime un blog quotidien pointé sur une analyse politique et des questions littéraires ou artistiques : http://www.cotarelo.blogspot.com/.

Ecrivain de nombreux livres dont les plus récents qui se sont fait remarquer : la Politique et la Littérature (l'oeuvre d'Ayn Rand); La fable de l'autre je; La figure du double dans la littérature; La gauche du XXIe siècle; La politique dans l'ère d'Internet; La mémoire du Franquisme; Le souhait de la vérité; L'Espagne en crise; et bien d'autres encore.

Il a accepté de répondre à mes questions.


Ahmed Laaraj : Monsieur le professeur, vous avez organisé une table ronde le 24 Mai 2012, suite à la victoire de la gauche lors des dernières élections, en ouvrant un débat autour de la question : "Après la France, la fin de l'hégémonie néolibérale?". C'est un sujet vaste car il signale la fin d'un modèle économique et d'un mécanisme auquel tout le monde jure qu'il est quasi impossible d'en sortir. Est ce une pensée de société qui vient à la fin de son souffle? Quels sont les éléments, de votre point de vue, qui vous mènent à cette interrogation? Pourquoi le choix de ce sujet?

R. Cotarelo : Au début de la crise, certains experts et personnalités de la politique, notamment M. Sarkozy, alors président de la France, disaient qu’il fallait absolument “réfonder le capitalisme”. On était alors clairement conscient que le modèle néolibéral du capitalisme –c’est à dire, la prévalence de l’économie financière sur l'économie réelle- était épuisé, sans futur. On disait être en quête d’une nouvelle alternative. Cinq ans plus tard on sait que, dans le cadre du mode capitaliste de production (mcp), cette alternative n’existe pas. Pour la trouver il faudrait rompre avec le modèle, puisque “refonder” le capitalisme ne serait pas suffisant.

Mais il ne semble pas y avoir d’autres modes de production. Depuis l’éffondrement des systèmes communistes dans les années quatre-vingt, la gauche conserve son opposition et critique le capitalisme, mais elle ne dispose pas de modèle alternatif propre. Ce n’est pas question d’accepter l’idée de Hayek selon qui les crises cycliques sont inhérentes au capitalisme et donc inévitables. Mais nous, n’étant pas des Hayeks, il nous manque une alternative. Nous ne disposons pas d’une théorie satisfaisant un mode de production autre que le capitalisme.

La raison et le sens commun nous forcent à reconstituer l’ancienne pensée socialdémocrate, c’est à dire l’acceptaction du mode capitaliste de production, le réformer et le réguler à fin d’en faire un système plus humain et plus juste. C’est ce que le PSOE (Parti Socialiste d'Espagne) a essayé de mettre en place ces deux dernières législatures en échouant à cause de la violence de la crise.

Nous avions choisi ce thème "Après la France : la fin de l'hégémonie néolibérale?" pour la table ronde, puisque le socialisme démocratique ayant triomphé en France - l’un des pays européens dont l’exemple est souvent suivit ailleurs - on pouvait se poser à nouveau la question d'un retour à un programme de gauche que, sans casser les modes capitalistes, donnait lieu à une rééddition de "l’économie sociale de marché” qui avait si bien fonctionné dans les années 50 et 60 en Europe.

Le socialisme français, était-il en situation de combattre la crise, montrer le chemin, être avant-gardiste pour l’Europe? Cette année il y aura des élections législatives en Allemagne. Si les suffrages se concrétisent par une victoire de la socialdémocratie, alors il y aura des nouvelles expectatives pour donner une réponse viable a la crise.

En 1981, le monde assistait à la victoire de la gauche en France avec l'élection de
François Mitterrand. Un an plus tard, c'était au tour de l'Espagne, avec Felipe Gonzàlez.
Nous étions en pleine apogée du néolibéralisme, ce sujet se soulevait-il à cette époque
là ?

Bien sûr! Peu avant Mitterrand en France et González en Espagne, Margaret Thatcher et Ronald Reagan l’avaient emporté en Angleterre (1979) et aux États-Unis (1980). L’attaque contre le Welfare State (WS) se déclencha alors en force, grâce à l’hégémonie conservatrice des think-tanks républicains et apparentés qu’en fournissaient la théorie. C’était un mouvement d'anciens intellectuels de la gauche passés à droite. Ils connaissaient très bien les thèses de Gramsci sur l’importance de la lutte idéologique, surtout aux temps des moyens de communication de masse.

Les années 80 assistaient à un combat idéologique pour conquérir l’âme des classes moyennes aux sociétés développées. C’était les classes qui avaient appuyé les programmes sociaux du Welfare State mais qui, asphixié par la politique fiscale des partis socialistes, rédistributive et progressive, cherchaient une nouvelle alliance avec les secteurs aisés au détriment des classes populaires. La question, jusqu’alors indécise, se trancha dix ans après à cause de l’éffondrement du communisme présenté comme la victoire définitive du mode capitaliste de production et du néolibéralisme. On commençait à faire de la propagande avec le soi-disant “dividende de la paix” juste au moment où l’on déclenchait la “première guerre du Golfe” ou première guerre du nouveau impérialisme.


À ce moment là, début des années quatre-vingt-dix, la nouvelle crise de 1992 frappe surtout l’Europe qui doit en plus faire face aux conséquences de la réunification allemande, c’est à dire, le moment où un état européen de 60 millions d’habitants avalait tout à coup un autre état de 17 millions et se préparait à en faire la digestion. C’est la crise qui marque la fin du keynesianisme, une crise appellée de stagflation tout à fait nouvelle. Impossible de l'amménager avec la politique économique de l’entre-guerre. C’est alors que la social-démocratie adopte partiellement des repères néoliberaux, avec l’espoir d’améliorer ses fortunes électorales.


(M. Thatcher et R. Reagan, représentés dans l'émission des "Guignols" britanniques)

La gauche espagnole, la gauche française et au niveau de l'Union Européenne avec le PSE
dont elles font parties ne sont-ils pas, finalement eux-même néolibéraux? Le socialisme
existe-il vraiment ?L'échec de R. Zapatero, n'est-il pas dû à des politiques néolibérales? Et
cet échec devrait-il alerter le gouvernement de F. Hollande ?

La social-démocratie prend des allures néolibérales pressée pour son besoin de gagner des élections face à des électeurs qui sont devenus de plus en plus conservateurs. A mon avis le socialisme existe comme il l’a fait toujours à nos sociétés démocratiques, sous la forme d’un “État social et démocratique de Droit”, pour invoquer le Préambule de la Constitution espagnole de 1978, c’est à dire, ce que certains auteurs (Elías Díaz) appelaient “la juridification de la voie au socialisme”. Le socialisme apparaissait ici plus comme un processus, un chemin, une voie, que comme une réalité définitive. C’est une polémique vénérable. On se souvient ici de la célèbre polémique entre Eduard Bernstein “la fin n’est rien; le mouvement, tout” et Rosa Louxembourg “le mouvement n’est rien; la fin, tout".

Prima facie, bien sûr, l’échec de Zapatero se doit à ses politiques néolibérales. Pour preuve il suffit de voir les résultats électoraux du 20 Novembre 2011 (38ème anniversaire de la mort de Franco) pour le constater. Mais je trouve encore plus intéressant de se demander si ces politiques n'étaient pas l'effet plutôt que la cause de l’échec de l’ex-président. Comment oublier que, de 2008 à 2010, Zapatero a essayé de vaincre la crise avec des politiques expansives classiques à la Keynes qui ne feront qu’aggraver la situation, jusqu’à l’experience de l’échec de cette politique qui le força à changer de braquet?

Pas besoin d’alerter le gouvernement Hollande de l’échec du socialisme espagnol. Il semble avoir déjà pris bonne note. D’un autre coté, à mon avis, le principal problème de la gauche française (comme il le fût auparavant pour la gauche espagnole et l’est toujours encore) reste sa capacitè d’être à la hauteur des espoirs éveillés par la victoire de F. Hollande sur une droite épuissée et rongée par des contradictions internes.

Faisons un peu de fiction, le système néolibérale s'effondre, quel est selon vous aujourd'hui le régime socio-économique le plus apte à le remplacer?
Au sein de Désirs d'Avenir, la social-écologie est au coeur de nos débats, pensez-vous que
cela puisse être la base d'une relance économique ?

Le mode capitaliste de production ne me semble pas ménacé. Surtout depuis l’incorporation de la République Populaire de Chine au "Mainstream" du capitalisme mondial. Ce sont les formes de le gèrer qui s’éffondrent. Si l’approche néolibéral perd sa main mise (et ce n’est pas tout à fait clair), l’alternative –s’il y en a une- sera le résultat de la corrélation de forces en présence, mais il semble raisonnable de supposer qu’on essayera de rétablir l’une ou l’autre forme d’économie sociale de marché (soziale Markwirtschaft) ou de néokeynesianisme.

L’écologie est une impérative politique. Mais il’y en a d’autres et non seulement en tant que quête de nouvelles formes d’activités industrielles, voire productives en général, qu'en tant que quête de nouvelles formes de gestion des activités déjà en place. Il faudra explorer des nouvelles lignes de production, des nouveaux gisements d’emploi (dont on parlait déjà dans le Livre Blanc de Delors en 1995), des nouvelles reformes du droit au travail, de nouvelles rélations industrielles (porquoi ne pas essayer de généraliser formes comme la Mitbestimmung allemande?), d’innovations comme l’établisement du minimum vital, etc.

Quand on est forcé à chercher des alternatives par besoin de survivance, on doit considérer toutes les possibilités, ne pas se concentrer à une seule et admettre qu’à la fin du jour, la solution peut être l’une de compromis, un mélange imparfait, impur, peut- être contradictoire, mais de nature pratique, quelque chose de réalisable. Il ne faut pas oublier le fameux apophtegme de Holderlin en Hypéron: “Ce que fait de ce monde un enfer est l’obsesion pour le changer en un ciel”.


(Photo. du journal Le Monde de Ségolène Royal, présidente de Désirs d'Avenir, pensant à une nouvelle gauche, elle déclare "La social-écologie, un autre modèle")

Je remercie M. Raymond Cotarelo Garcia, pour cette entretien. Un remerciement également à François Coll, pour sa collaboration. J'espère que cet article vous aura éclairé sur les enjeux actuels. Merci à vous lecteurs et lectrices de votre fidélité. Vous pouvez partager cette article par mail, sur vos blogs, pages Facebook ou Twitter, en copiant, collant cette URL : http://loeildelajeunesse.blogs.nouvelobs.com/archive/2013...